Dans de nombreux environnements sociaux et institutionnels, certaines identités sont considérées comme la norme, tandis que d’autres demeurent marginalisées ou incomprises. Les termes utilisés pour désigner ces différentes positions ne sont pas toujours explicites et leur emploi peut entraîner des malentendus, voire des tensions.La distinction entre orientation sexuelle et identité de genre, souvent confondue ou ignorée, s’accompagne d’enjeux linguistiques, culturels et politiques. Comprendre les termes précis employés dans les débats actuels permet de mieux cerner les réalités vécues par chacun.
Comprendre les notions de sexe, de genre et d’orientation sexuelle : des repères essentiels
Impossible d’aborder la signification de cishet sans poser les bases : sexe assigné à la naissance, genre, orientation sexuelle. Chacune de ces notions éclaire une dimension particulière de ce que chacun traverse, entre société, perception intime et attentes collectives.
Pour distinguer clairement ces concepts, voici les principaux repères :
- Sexe assigné à la naissance : cette mention, inscrite à l’état civil dès la naissance, repose sur l’observation des organes génitaux. Elle s’inscrit dans une logique généralement binaire (homme ou femme), mais cette catégorisation ne reflète pas toutes les réalités : les personnes intersexes en sont la preuve vivante.
- Genre : il s’agit d’un ensemble de codes, de rôles et de normes sociales qui collent à la peau de chacun. L’identité de genre désigne ce que l’on ressent à l’intérieur (homme, femme, non-binaire, agenre…). Ce vécu peut ne pas coïncider avec le sexe inscrit sur le papier.
- Orientation sexuelle : ce terme désigne l’attirance, sentimentale ou sexuelle, qu’une personne éprouve envers d’autres (hétérosexuel, homosexuel, bisexuel, pansexuel, asexuel, etc.).
On parle de cisgenre lorsqu’une personne s’identifie au genre qui lui a été assigné à la naissance. Par exemple, un homme qui se sent homme, une femme qui se reconnaît femme. Si cette personne est attirée par le genre opposé, on parle alors d’hétérosexuel. La combinaison des deux, c’est tout simplement cishet.
Mais la réalité ne se limite pas à ces cases. Aujourd’hui, la pluralité s’impose : non-binaire, transgenre, intersexe, queer, LGBTQ+… Ces mots révèlent à quel point les catégories classiques, femme/homme, hétéro/homo, ne suffisent plus à décrire la complexité des parcours. Les mots s’ajustent, évoluent, pour donner de la visibilité à chacun.
Que signifie « cishet » et en quoi ce terme éclaire-t-il les identités contemporaines ?
Le terme cishet résulte de la contraction de cisgenre et hétérosexuel. Il s’applique à une personne dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance, et qui ressent une attirance pour le genre opposé. L’explication semble simple, presque banale. Pourtant, elle révèle un mécanisme social : ce qui paraît neutre ou « normal » n’a longtemps pas eu besoin d’être nommé.
C’est dans les discussions et les mobilisations LGBTQ+ qu’a surgi le mot cishet. Il sert à désigner la norme jusque-là silencieuse, celle autour de laquelle gravitent toutes les autres identités : trans, non-binaires, queer, intersexes. Mettre un nom sur cette position revient à rendre visible le centre du système, à pointer la notion de normativité et ses effets dans la société.
Le vocabulaire ne s’arrête pas là : cishetallo (qui précise les aspects alloromantiques et allosexuels), pericishet (pour désigner les personnes non intersexes), ou encore monoallocishet. Chacun de ces mots affine la cartographie des identités sexuelles et de genre. Faire émerger ce qui semblait neutre, c’est mettre en lumière les mécanismes qui confèrent des privilèges ou des positions dominantes. Les mots déplacent le regard.
Regards sur les enjeux sociétaux : privilèges, représentations et inclusion autour du terme « cishet »
Utiliser le mot cishet revient à mettre en lumière ce qui, souvent, reste dans l’angle mort. Ce terme expose les privilèges liés au fait d’être à la fois cisgenre et hétérosexuel. Dans de nombreuses circonstances, cette combinaison façonne la norme : elle facilite l’accès à bien des espaces, garantit une large représentation dans les médias et réduit l’exposition à la discrimination ou à la violence. Ces avantages, ancrés au quotidien, sont si habituels qu’ils passent inaperçus.
La normativité cishet ne se limite pas aux relations interpersonnelles : elle influence les politiques publiques, façonne la visibilité accordée aux personnes trans, non-binaires ou queer. Remettre en cause ce cadre dominant, c’est interroger l’évidence et les automatismes. Dire les choses, c’est ouvrir la réflexion sur ce qui est accessible, sur ce qui ne l’est pas, sur les droits, la reconnaissance, la place de chacun.
Voici, très concrètement, quelques exemples de ces privilèges :
- Accès plus direct aux droits légaux
- Présence et représentation dans les médias
- Moindre exposition à la stigmatisation ou à la violence
Au sein même de la communauté LGBTQ+, le terme cishet ne fait pas toujours consensus. Certains courants, dits exclusionnistes, s’en servent pour dresser des frontières, en particulier vis-à-vis des personnes a-spec. Ces tensions montrent que la question de l’inclusion demande une vigilance constante : il faut s’informer, écouter, remettre en question ses propres privilèges. Les mots ne sont jamais anodins : ils dessinent des lignes, ouvrent ou ferment des portes, pèsent dans les dynamiques collectives.
Nommer ce qui paraissait évident, c’est inviter à regarder autrement. Les mots glissent, la société avance. Reste à imaginer jusqu’où ce mouvement nous portera.


